Extrait de Abalamour de Paol Keineg

     il y a des trucs dans la langue, pourquoi une chienne de vie,
pourquoi a hell of a life, pourquoi pas tout déballer tout de suite,
jeter des regards méchants autour de soi, j'entends déjà le
murmure d'un roman-feuilleton

     qui commencerait sous les feuilles d'un noyer d'Amérique
un soir d'été, tandis que s'éloignent en mer les grondements de
l'ouragan Ophelia, dans le sillage de Katrina, je me souviens
d'Isabel et de Gloria,

     l'exil mène à la double existence, le mot peur ne me fait
plus peur, c'est le mot qui sous des lunettes noires m'organisait,
feu le mot peur ne me fait plus chanter, et je ne m'explique plus
rien,

     pas de poème hors le concret, ni poème ni récit, la visite aux
grands iris, le vin blanc pris sur la terrasse, la buée sur les parois
du verre s'arrête à la hauteur du vin, on prend le verre par le pied
pour protéger la rosée, plus de visite aux grands iris,

     l'exil est la condition préalable, banalité de l'excès de
langues et de l'absence de langue, un exil d'écureuils aplatis sur
la route, de poteaux électriques qui se dressent en forêts,
autrefois je courais, pressé,

     maintenant j'avance à la vitesse de l'escargot, la nuit le
monde devient plat comme une assiette, je n'ai pas peur de
tomber de l'assiette, curieuses conversations dans la chambre à
coucher aux murs blancs,

     je sors mes visages tant que j'y suis, les trains s'ébranlent,
les avions décollent, quais et parkings d'un monde qui n'existe
pas, les peaux bronzées sous le ciel bleu font le tour du monde

Les Hauts-Fonds Éditions
© Les Hauts-Fonds
Collections Poésie et Porte-Voix

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